Helena Vinterjente, était une écrivaine qu'un groupe de fille admirait particulièrement à l'université d'Oslo, pour ses nouvelles tristes et romantiques dont elles louaient le style. Malheureusement, Velena faisait parti de ce petit groupe et s'était retrouvé, sans savoir comment, à faire la file entourée par des fans émotifs, afin de se faire dédicacer un ouvrage au hasard. Livre qu'elle avait trouvé dans la bibliothèque de son appartement avec un soulagement certain, car elle était sensée adorer cet auteur plus que tout. Luttant contre les soupçons des proches de Velena, Hildr jouait le jeu et essayait donc de coller fidèlement au personnage, méditant longuement le matin pour rester sereine toute la journée. Mais rester debout pour obtenir un autographe dont elle se fichait totalement, voilà qui avait le potentiel d'ébranler son inépuisable  patience.

Les minutes s'égrenaient et la distance qui la séparait de Helena se réduisait inexorablement. Velena ne savait pas du tout quoi dire. Peut-être qu'il lui suffirait de piocher dans les souvenirs de son hôte pour trouver quelque chose de pertinent à relever. Comme ça Victoria, sa "meilleure amie", serait parfaitement rassurée par la normalité de cette opération. Réfléchissant à pleine vitesse, la valkyrie s'arrêta soudainement, se faisant marcher sur les pieds par ladite Victoria qui pesta. Par la barbe de Odin ! Cette Helena n'était pas humaine. Son humeur changeant de tout au tout, le visage de Velena s'étira en un magnifique sourire. Décidément, les Ases aimaient beaucoup l'université de Oslo. Peut-être que le plus grand des Dieux viendrait y enseigner à force. La combattante était certaine que l'écrivain était une déesse, tant le magnétisme qui se dégageait d'elle était écrasant. Il envoutait les mortels également, qui se pâmaient d'admiration, la couvrant de louanges. Était-ce le secret de son succès professionnel ? Faisant glisser avec adresse la lanière de son sac, Velena y plongea une main fébrile et sortit un stylo bic au capuchon mordillé et ouvrit la couverture de son recueil. Ses doigts dansèrent, traçant un message sur la page de garde, écorchant sans état d'âme le titre joliment manuscrit. Enfin, son tour arriva et elle leva ses yeux verts vers l'auteur, toujours sous le choc.

« Je suis une grande admiratrice madame Vinterjente, je suis ravie de vous rencontrer. Je m'appelle Velena. »

Elle lui tendit le livre grand ouvert et se pencha légèrement, afin que les yeux trop curieux ne puissent pas voir ce qu'elle avait gribouillé. Car ce message était soit l'œuvre d'une cinglée, soit celle d'une créature qui n'avait rien à faire dans leur monde.

Message a écrit:

Je sens que vous êtes une déesse, votre aura est extraordinaire. Je suis une valkyrie et je sers les Ases depuis des millénaires. Pourrions-nous parler ? Je rencontre si peu de vos semblabes et je cherche toujours Odin. Peut-être savez vous où il est ? Jamais... Oh, plus de place.

Si cette déesse était semblable à Freyr, elle devait déjà avoir reconnu son essence. Peut-être l'avait-elle même sentie depuis son arrivée dans la file. Pour autant, l'inconnue voudrait-elle lui parler ? Les Ases étaient capricieux parfois, Hildr s'en rappelait. Mais ils étaient tous dans la même galère désormais, isolés, perdus. Mieux valait savoir où étaient ses alliés et ses ennemis en ces temps troublés. Alors qu'un éclat de rire retentissant dans son dos, Velena en profita pour ouvrir à nouveau la bouche, ses paroles impossible à saisir au vol sauf pour Helena.

« Salle 313 dans une heure. »

Et, feignant des remerciements sincères, la valkyrie récupéra son ouvrage et détala, semant aisément la collante Victoria à travers les couloirs de l'université. Puis, elle se dirigea vers le lieux de rendez-vous, perdue dans ses pensées. Il n'y avait rien de pire que de ne pas savoir où était les siens. Elle espérait de tout coeur que la divinité qu'elle venait de croiser avait un réseau plus étendu que celui de Freyr. Car son protecteur ne savait pas où était l'être qui avait accordé l'immortalité à toutes les valkyries et c'est tout ce qui intéressait Velena pour l'instant. Cela et... Retrouver un certain mari perdu de vue depuis des millénaires.

Les paroles de la déesse déferlèrent comme un ras de marée et Velena peine à faire le tri entre toutes les informations. Inspirant profondément, elle ne laissa rien paraitre de son trouble et détailla l'arrivante des pieds à la tête avec une curiosité accrue. Une cohabitation? Comment était-ce possible ? Debout, les mains croisés derrière le dos, l'étudiante avait un air sérieux et martial. Dès qu'elle était en présence d'une divinité, ses réflexes de soldat dévoué lui revenait. Le dos droit, le regard impassible, les oreilles grandes ouvertes.

« Vous cohabitez ? Excusez ma surprise, pour ma part j'ai tout simplement annihilée l'âme de cette humaine. »

Immobile, la jeune femme donnait l'impression d'être un grand fauve prêt à s'élancer sur sa proie. Le danger suintait par tous ses pores, accompagné d'une aura flamboyante. Pourtant, seuls les êtres d'exception pouvait percevoir ce qui se cachait derrière cette apparence mortelle si inoffensive. Calmement, la valkyrie traita une information après l'autre et son buste se pencha en avant, dans un salut des plus respectueux.

« Je me souviens de vous Lofn, même si nous n'avons jamais eu l'occasion de nous côtoyer longuement. »

Ce n'était pas dans ses habitudes de vierge éternelle de trainer avec une déesse qui œuvrait dans les choses de l'amour. Et ensuite... Elle n'avait plus jamais croisé personne de toute manière. Contractant légèrement la mâchoire, Velena répondit à la question fâcheuse et maladroite de la déesse. Après tout, Lofn n'était pas responsable de son histoire, elle ne devait pas lui montrer que cela l'impactait.

« Je n'ai pas revu Hedin depuis des millénaires, comme la majorité des autres personnes que je connaissais. Et pour ne rien vous cacher, je ne le voyais plus non plus depuis un long moment, bien avant d'être enfermée dans ce livre. »

Et pourtant, elle était toujours unie par les liens sacrés du mariage. Jusqu'à ce qu'elle retrouve la piste de son mari qui n'avait peut-être tout simplement pas été capturé comme eux. Cela servait-il encore de s'accrocher à cette chimère ? Et voulait-elle vraiment le revoir ? Ce genre de pensées parasitaient son esprit et elle secoua la tête, fronça délicatement les sourcils.

« J'ignorais que vous connaissiez mon mari, comment l'avez-vous rencontré ? »

Il lui semblait, même si ses souvenirs étaient douloureusement flous, que Hedin ne lui avait jamais parlé de Lofn. Le héros légendaire avaient beaucoup de secrets, et leur vie commune avait été trop brève pour qu'elle les découvre tous. Une pointe de déception s'insinua perfidement en elle mais Velena lutta bravement contre. Si la déesse lui demandait des nouvelles c'est qu'elle ne l'avait pas croisé jusqu'à présent. Et si elle ignorait que des valkyries pouvaient revenir... Hildr était-elle la seule à fouler à nouveau ce monde ? Réprimant le sentiment amer de solitude qui lui empoisonnait l'esprit depuis son retour, la guerrière attendit bravement la réponse de Lofn, ses yeux verts ne la quittant pas un instant du regard.