S’il y avait bien une chose que j’appréciais dans le monde des humains, c’était leur nourriture. Pas que la notre soit mauvaise, mais ils avaient une inventivité et une application en ce qui concernait la cuisine qui l’avait faite évolué au cours de leur siècle le mettant presque au même rang que l’art. Je trouvais ça fascinant, enfin surtout de gouter à tout ce qui leur été passé par la tête. Mes pêchés mignons actuels étaient donc leurs boissons chaudes, dont les variétés étaient terriblement vastes. C’est pourquoi, en plus de mon matériel de travail, j’étais armé ce machin d’un thé chai, infusion d’épice et de plante qu’on laissait diffusait dans du lait.
Je pense que je compensais la perte de mon corps d’origine par la nourriture en quelque sorte, mais je n’avais clairement pas envie de me pencher sur le sujet. Contre toute attente, je commençais à prendre un certain plaisir à ce travail étrange consistant à immortaliser un moment sur du papier glacé. C’était comme à la chasse d’une certaine façon, il fallait être à l’affut pour capturer le mouvement ou l'immobilité parfaite, celui où il se dégageait une humeur particulière.

J’avais rendez-vous directement dans un local  cette fois, pour une architecte…non, archéologue, ces métiers se ressemblaient tous de toute façon et me concernant, ils se résumaient à prendre des photos. Que le ton soit formel, romantique ou mélancolique, finalement, on en revenait toujours aux mêmes fondamentaux. Je ne m’embêtais plus vraiment à tenter de tout retenir, trop compliqué, j’avais déjà assez à faire en m’adaptant à ce monde, ce corps et surtout à le remettre en forme. Tout en devant gérer les interactions sociales minimum requises, qui me mettaient terriblement mal à l’aise tant cela me rappelait à quel point j’étais un imposteur, mais c’était encore un autre sujet.

Ma cliente était déjà en train d’attendre devant la porte du local, je connaissais son visage. Je l’avais déjà vu quand mon "moi" d'origine, avait fait des recherches sur celle qui l'avait contacté il y avait quelque temps de cela. Elles n’avaient pu aboutir à ce rendez-vous que dernièrement. Sören Osmond qu’elle s’appelait, une belle femme s’il en était.

Une femme dont, plus je me rapprochais, et moins j’arrivais à détacher mes yeux d’elle. Je sentais des crépitements sous ma peau, une sensation d’être rentrée à la maison, une certitude tandis qu’un lien, timide et balbutiant, semblait s’établir entre nous alors que je me retrouvais nez à nez devant elle. « Hé ba putain… » L’une des miennes « c’est pas trop tôt ! ». Je lui offre un large sourire en lui prenant les mains dans un geste amical, réellement contente et soulagée d’avoir l’occasion de croiser quelqu’un de ma race. Enfin pour peu qu’elle ressente les choses comme moi. Malgré ce que j’avais affirmais à l’autre réincarné, je n’étais pas vraiment sûre que nous ayons tous les mêmes capacités d’une race à l’autre. Cela me semblait évident, voire logique, mais maintenant que j’étais devant ces grands yeux bleus, je n’en étais plus si certaine. J’avais peut-être foncé dans le tas un peu trop vite pour pas changer, ça et mille et une autres pensées qui défilaient à toute allure.

Oups?

Bon, il faut dire que d’ordinaire je ne me jetais pas ainsi sur mes congénères, mais la situation était tout sauf ordinaire.